Meeting de la gauche à Saint-Ouen sans Mélenchon: « C'est presque une déclaration de guerre »
Les proches de Jean-Luc Mélenchon réclament que Clémentine Autain et Raquel Garrido annulent leur participation.
Ne parlez pas à Jean-Luc Mélenchon des meetings organisés par la gauche… sans lui. Le dernier en date, ce jeudi soir, à Saint-Ouen, à l’initiative du PS, est présenté comme une protestation « contre la stigmatisation des étrangers » avant le vote du projet de loi immigration du gouvernement. Voilà pour la version officielle. En réalité, la présence annoncée de Clémentine Autain et Raquel Garrido ne trompe personne et surtout pas le patron de LFI. « C’est presque une déclaration de guerre », tonne son entourage alors que le big boss des insoumis feint de s’en désintéresser. « Personne ne nous a mis au courant de ce rassemblement ».
Plus grave à leurs yeux, le logo insoumis a été apposé sur l’affiche du meeting sans autorisation. « C’est quoi ce truc ? Le logo LFI sans que le mouvement n’ait été sollicité », râle sur X le député Paul Vannier, fustigeant « le retour de la Hollandie ». « Ce sont les derniers soubresauts du PS avant disparition complète. Que celles et ceux qui veulent cheminer avec eux n'utilisent pas le logo LFI et assument de ne parler que d'eux même », renchérit son camarade René Pilato.
« Personne n’est dupe, soit elle est avec nous, soit elle est contre nous ».
Le sujet a été abordé en réunion de groupe à l’Assemblée mardi matin, en l’absence des principales intéressées, selon mes informations. Les proches de Jean-Luc Mélenchon ont non seulement réclamé le retrait du logo de l’évènement mais aussi que les deux députées frondeuses s’abstiennent de participer au meeting. « Vous me l’apprenez », affirme Clémentine Autain. Selon l’élue, « personne ne (l’) a mise au courant » de cette exigence. Pas question pour elle d’obtempérer aux injonctions de la direction du parti. « Je viens pour lutter contre le projet de loi immigration du gouvernement et pour le rassemblement à gauche, c’est tout », assure l’élue. Une explication qui peine à convaincre les proches de M. Mélenchon. « Personne n’est dupe, soit elle est avec nous, soit elle est contre nous ». Ambiance.
Depuis quelques mois, Jean-Luc Mélenchon et Clémentine Autain ne se voient plus. L’épilogue d’une décennie de relations tumultueuses? « Elle a toujours fait entendre sa voix, quitte à évoquer leurs désaccords, c’était toléré, désormais, ce n’est plus le cas… », observe une collègue de la députée, qui se dit « navrée de cette escalade ». « Mélenchon court après le temps, 2027, c’est sa dernière chance pour se présenter à la présidentielle alors il ne supporte plus qu’on s’oppose à lui », affirme un ancien camarade du tribun de la gauche, qui le voyait encore l’année dernière. Les deux Insoumis peuvent-ils sauver leur relation? « A quoi bon? De toute façon, ils ne sont pas d’accord, ce n’est pas en prenant un café qu’ils vont se retrouver », souffle un proche de la députée de Seine-Saint-Denis.
« Larcher ne sort jamais de ses notes, cette fois n’a pas dérogé à la règle »
En attendant, tandis que la direction insoumise tire à vue sur les « frondeurs » tels François Ruffin ou Raquel Garrido (mise en retrait du groupe à l’Assemblée pour avoir critiqué Jean-Luc Mélenchon), Clémentine Autain continue de faire entendre ses désaccords, notamment sur la stratégie du « bruit et de la fureur », théorisée par M. Mélenchon lors du lancement du parti de gauche, en 2010. « Nous devons éviter de participer à ce climat qui ouvre la voie à ceux qui ont intérêt (…) à cliver le monde populaire sur l’identité », écrit l’élue sur son blog, après le tollé provoqué par les propos du patron de LFI sur Ruth Elkrief. « Surtout que nous n’en sommes plus à devoir sortir de la marginalité, nous visons une majorité pour gouverner ».
Comprendre, la stratégie du clivage ne serait plus pertinente, selon elle, à l’heure où LFI veut apparaître comme un parti de gouvernement crédible. Un constat largement partagé au sein du parti, comme je l’écrivais sur Politis. Mais aux antipodes de la vision de Jean-Luc Mélenchon et ses proches: « Le score de Jean-Luc à la dernière présidentielle (22% au premier tour, NLDR) nous donne raison », assume-t-on. « Marine Tondelier, Faure et les autres s’expriment en leur nom. C’est juste une petite frange qui fait moins que nous ». Le bruit et la fureur? « Vous avez vu qui se dresse contre nous: les Macronistes, Marine Le Pen, Edouard Philippe… On ne l’emportera pas en étant gentils comme chez les écolos », balance l’entourage du tribun de la gauche. Envoyé directement aux intéressés. « Le niveau du débat public s’abaisse sans discontinuer, et nous coulons avec », soupire Clémentine Autain.
Comme pour lui donner raison, Gérard Larcher a lancé ce mercredi « Ferme ta gueule » à Jean-Luc Mélenchon sur une radio nationale (RTL) à une heure de grande écoute. Une sortie incroyablement grossière qui a médusé le monde politique. Le président du Sénat a évidemment préparé à l’avance sa réplique avec ses conseillers. « Larcher ne sort jamais de ses notes, cette fois n’a pas dérogé à la règle », glisse un membre bien placé de l’administration au palais du Luxembourg, information confirmée à l’un de mes confrères, Mourad Guichard. Gégé a savouré son effet comme un chat devant un pot de crème. « Nous avons basculé dans une trumpisation du débat public », déplore Clémentine Autain le soir-même. En attendant, un autre meeting de la gauche se tiendra dans l’Eure ce jeudi, en parallèle de celui de Saint-Ouen. Toujours à l’initiative du PS, seront présent la députée écologiste Sophie Taillé-Polian, le communiste Hubert Wulfranc, et un certain Alexis Corbière, dont les relations avec Jean-Luc Mélenchon sont devenus glaciales, relate Le Parisien. La bataille de la gauche ne fait que débuter…
Quand un nouvel article sort je suis comme un chat devant un pot de crème